jeudi 5 juin 2014

L'îlot du bonheur




Yves et Béatrice ont l'immense privilège de pouvoir disposer d'un bungalow familial sur un îlot du large. Et ils nous ont fait l'immense privilège de nous inviter à passer quelques jours en leur compagnie. Une version calédonienne du Château de ma mère et de la gloire de mon père.


L'îlot

Bonheur de vivre

Une fois, notre voiture de location en notre possession, nous partons en direction du nord pour retrouver tout ce beau monde. Le soleil est radieux. Le lagon annonce déjà des couleurs exceptionnelles. Nous garons les véhicules chez un local avant d'embarquer. Yves a prévu des rations pantagruéliques qu'il charge sur le bateau à moteur. 


Yves et le requin

Incontestablement, le séjour s'annonce gourmet. Nous retrouvons aussi Momo, un ami de la famille, chasseur et pécheur de son état, et deux neveux de Béatrice qui ont entre dix et quinze ans. Bob, ancien gendarme, nous rejoindra par la suite. La fine équipe est plus qu'habituée à séjourner dans cet endroit qui est juste magnifique.



 La pointe

Au cœur du lagon, on arrive par la mer après une vingtaine de minutes de navigation où la vigilance s'impose pour ne pas percuter des récifs affleurants. Yves, avec Momo en soutien, se débrouille comme un chef, dans ce lagon qu'il connaît comme sa poche. 


Pour une histoire d'assurance

L’îlot est là, où milieu de nulle part . Sur une plage abandonnée en guise de ponton, comme des Robinson de luxe, nous débarquons sur cette parcelle de bonheur, accompagnés de ses gardiens.


 Motifs

La cabane est parfaitement adaptée à l'éco-système local avec notamment les toilettes les plus beaux du monde. Une vaste pièce, ouvert à tous les vents, sert de lieu de vie où nous nous prenons nos repas. Un dortoir aux couleurs chamarrées, style robes mission, permet de dormir du sommeil du juste. La famille d'Yves dispose de ce paradis depuis une cinquantaine d'années. 

 Plage abandonné

Tels des pionniers combatifs, elle a construit de ses mains ce refuge marin improbable. Pendant quatre jours de suite, nos journées seront rythmées, dans l'ordre, par les sorties de pêche matinale, les apéros débriefing au whisky coca ultra frais, des déjeuners à partir de la pêche du jour, de longues siestes en mode méditative, des après-midi largement buissonnières et des soirées conviviales. Nickel.



 Lieu des agapes

Pêches miraculeuses

Les parties de pêche sont exceptionnelles. Nous partons à six heures et demi du matin dans la quiétude du crépuscule. Yves, Momo et Bob sont de véritables professionnels et nous apprennent beaucoup. Ils connaissent tous les coins et recoins du lagon pour que la pêche devienne systématiquement miraculeuse … ou presque.
  
Béatrice au grand cœur

 La première difficulté est de s'extraire des récifs pour rejoindre le lagon. Un matin, une secousse impromptue et violente nous rappelle que l’hélice du moteur vient de percuter à pleine vitesse un morceau de récif corallien malgré les avertissements de Momo qui avait gardé un œil sur l’horizon. Heureusement, il n'y aura aucune conséquence. Une énorme épave posée sur la barrière de corail démontre bien qu’un oubli peut être fatal.


 Pêche de jour

Nous pêcherons aussi bien en statique qu'à la traîne, aussi bien dans le lagon qu'au large. L'eau est d'une telle clarté que nous pouvons voir très distinctement notre ligne attaquée par tous les poissons du lagon, notamment tout un tas de loches. Aymeric verra même sa ligne devenir la cible d'un requin pointe noire tournoyant autour de l'objet de ses rêves. 


C'est parti

Sabine sera-t-elle prête à plonger à l'eau si la ligne se bloque dans la pierraille ? Pas sûr. Sabine finira ces parties de pêche sans aucun poisson. Aymeric, plus glorieux, finira avec deux prises méritantes. Yves, Momo, Bob ainsi que les neveux en prendront aussi de belles qui constitueront la base de nos déjeuners journaliers. Les restes de poissons seront distribués aux « bagnards » de la côte (des poissons rayés en fait) par une Sabine plus que jamais proche de la nature.



La nourrice


Un matin, nous avons droit à un cadeau des dieux. Le lagon, comme le vent d'ailleurs, est d'un calme absolu, quasi soupçonneux. Entonnement, chacun de nos arrêts se solde par un néant poissonneux. Nous ne comprenons pas vraiment pourquoi. Soudain, on repère un aileron sortant de l'eau. Un deuxième apparaît, puis un troisième, puis enfin des dizaines et des dizaines. 

 De loin

Dans un ballet incessant, des dauphins suivent notre embarcation. Yves tapotant sur la coque pour les interpeller. Ils ouvrent la voie pour notre bateau, puis jouent en sautant dans tous les sens. Un moment unique et grandiose.


 De près

Farniente à la sauce locale

Nos journées s’égrènent tranquillement entre le lever et le coucher du soleil. Yves cuisine les poissons mieux que personne. Ils se révéleront tous délicieux.


Easy Sab

Momo nous gratifie de bonnes préparations à base de cerf qu’il a lui-même chassé : carpaccio à la mode calédonienne, spaghettis à la carbonara façon Momo ou encore steaks de cerf en aller-retour sur le grill. Un régal. 



Les plus beaux toilettes du monde

Nous échangeons sur l’histoire calédonienne. Ils sont intarissables sur leurs anecdotes vécues. En fin de journée, nous faisons le tour de l’îlot en admirant les montagnes des alentours et les dégradés du lagon. Nous jouons des parties de cartes endiablées avec les neveux avec le sentiment de retrouver Antoine et Louis-Armand. 



Au crépuscule

Quelques parties volley-ball aquatique nous divertissent. L'eau est d'une d'une température parfaite. La nuit venue, nous partons avec Yves à la « chasse » aux oiseaux pour les observer de près. Franche rigolade aux rendez-vous.



 A l'horizon

Ces quelques jours passées en compagne d’Yves et Béatrice seront un véritable ravissement et une expérience inoubliable. Un grand merci à eux. De notre côté, le seul regret est de ne pas pouvoir se rendre sur cet îlot tous les week-ends !


 Partir ou rester, telle est la question

vendredi 7 mars 2014

Tribute to the "tribu"

On the road again

Miche, croisé sur la rando du Mont Humboldt, nous avait fortement conseillé de nous rendre dans une tribu pour approcher le mode de vie mélanésien. Nous avions cela en tête mais nous attendions un bon plan. Il avait lui-même eu une expérience réussie près de Thio, chez les Ouindo. Ni une, ni deux, nous appelons Ella pour prendre rendez-vous sans vraiment savoir à quoi s'attendre d'un séjour pas comme les autres. Un vague horaire de retrouvailles est arrêté. Un lieu aussi. Nous préparons donc notre paquetage spécial de (sur)vie en brousse.

 En brousse

Nous nous rendons à la gare routière de Nouméa pour filer dans le bon bus. L'espace est rempli de mélanésiens en goguette. Nous sympathisons avec quelques uns d'entre eux. Ils connaissent Ella et nous parlent de plages splendides et de forêts perdus. Ils nous racontent aussi leur vie familiale. La conversation semble toujours avoir du mal à prendre au début, alors qu'en fait, une fois que chacun s'est tranquillement présenté, l'authenticité prend le dessus et permet des échanges réels. Nous jouons naturellement la carte de la curiosité. Et cela marche bien. Les gens se livrent facilement.

Arc-en-ciel divin
Après quelques atermoiements, nous parvenons à prendre le (rare) bus qui file vers le nord. Des étudiants et des familles ont pris place sur les banquettes arrières. Une douce ambiance règne dans ce bus. Fenêtres ouvertes, les embruns nous climatisent tout le long de la remontée de la côte, côté lagon bien sûr. Après avoir traversé Bouloupari et ses vues sur des montagnes en forme de pic, nous montons à travers un relief tourmenté. La Nouvelle-Calédonie ne porte pas ce nom par hasard. L'île est comparable à cette région d’Écosse, les tropiques en plus quand même, peuplée de collines imposantes, si chères au capitaine Cook.

Décor mural au "Kaspa"

 Au bout de deux bonnes heures, le chauffeur nous indique que nous sommes arrivés. Nous ne sommes en réalité nulle part. Un croisement entre deux routes désertes fait office de lieu de rassemblement improbable. Un pick-up nous attend, phares allumés. Trois personnes l'occupent. L'aventure va commencer. A nous la vie en tribu pour quelques jours.

Dans la rivière

Nous prenons place sur la plate forme à l'arrière. Nous nous accrochons solidement aux structures métalliques et faisons la connaissance d'Eugénie, de son regard profond (elle hausse les sourcils sans arrêt et joue en permanence de ses orbites) et de son destin calédonien (à la fin du mois, elle partira pour le nord, faire son service militaire). Elle nous parle de son oncle qui a « réussi ». Il est militaire dans le sud-ouest de la France et possède une maison pour sa famille. Ce dernier élément est décisif à ses yeux. Sans maison, dans la tradition mélanésienne, une famille n'existe pas. La conductrice, la cousine d'Eugénie, trace sa route sur une piste caillouteuse. Elle est en train d'apprendre à conduire et cela se sent. Ella la co-pilote avec tendresse.

 Sainte Sabine arrive au paradis

Le pick-up s'arrête près de cases colorées. On arrive enfin dans le royaume d'Ella. Elle l'a pertinemment surnommé « Kaspa », pour « te casse pas la tête », notre programme lors de ce séjour. Elle nous offre des cafés chauds et la conversation s'engage. Elle nous raconte sa vie entre un père tahitien et une mère mélanésienne. Elle a une fille qui n'habite plus chez elle. Définitivement, elle a un grand sens de l'hospitalité . Avec Auguste, son jovial mari, elle nous raconte qu'elle a adopté (on ne sait pas vraiment si ce mot recouvre la même acceptation pour eux que pour nous) le fils de sa fille, John, et une autre enfant, Eugénie. Lui est un rasta tropical et elle, une enfant sociable et dynamique. Auguste s'active sur son tracteur. Il s'occupe de ses taros d'eau bénis des dieux qu'il préparera pour une grande occasion, un mariage, un enterrement ou une naissance. Si nous avons tout compris, il est un des chefs de la tribu. Il a un grand sens de la jovialité. Avant le coucher du soleil, John nous accompagne jusqu'à une rivière rafraîchissante à travers un maquis tropical qu'il parcourt pieds nus, semelle amortissante intégrée directement dans la voûte plantaire. Nous évitons les écrevisses pour nous asseoir au milieu du courant. La température de l'eau est idéal. Nous sommes son féal. 

 Ligne de crête calédonienne

Sur le chemin du retour, nous apercevons une montagne qui a perdu son sommet. La terre d'un orange profond annonce un mine de nickel en exploitation, l'une des plus vieilles de Calédonie en fait. De nouveau à la maison, nous cultivons quelques tomates cerises pour le repas du soir. Nous découvrons nos baraquements en bois, nos lits à étage et la vie d'Eugénie. Ancienne miss de son village, son rapport à l'école est complexe. Elle n'est pas encouragé en cela par Ella qui lui conseille « de lâcher le crayon pour prendre plus souvent la bêche ». Elle pianote son téléphone portable, son Vini, toute la journée en écoutant du son reggae.

Veillées mélanésiennes

Sabine prépare les taros du soir. Elle vide et rappe la noix de coco avant d'en faire couler le lait sur le gratin prêt à cuire. Nous trinquons au vin rouge avec Auguste et Ella ans dansla quiétude tropicale. Elle a un tempérament artiste. Elle a peint tous les murs de ses cases. Un cheval traîne dans le champ d’à-côté. Nous admirons la fleur de frangipanier placée dans ses cheveux. 



 En plein préparation du taro-coco

Elle nous raconte sa vie à la fois douce et violente. Les manus chatoyants, ces morceaux de tissus issus du Don, flottent dans le vent du soir. Ils témoignent d'une solide implantation locale. Un hélicoptère de l'armée passe en pleine nuit, sans prévenir, au-dessus de nos têtes. Un ami d'Ella, accompagné de sa famille, fait la coutume à Auguste en offrant cigarettes, billets pacifique et manus. Nous nous couchons tôt, plus que repus de ces agapes australes.

 Groseilles des bois

Le lendemain, une journée bien active nous attend. Nous partons en pick-up pour débroussailler une parcelle appartenant à la famille. Nous slalomons à travers les arbres pour atterrir sur un espace vert bien touffu. John s'excite sur sa machine pendant que nos coupe-coupe font tomber des montagnes de végétaux. Aymeric terminera la matinée avec une main droite ampoulée comme jamais après avoir tracé, courageusement, un chemin dans le chemin. Sabine cueille des fruits des bois généreux qui seront notre dessert dominical. Ella consulte ses ignames. Les lourds bananiers annoncent une belle saison. Notre faim nous pousse à puiser dans nos réserves généreusement offertes par la nature. Le repas est pantagruélique. Il nous faudra beaucoup de volonté, après la sieste obligatoire, pour retrouver le chemin de la promenade. Nous finissons dans un bain chaud perdu sous les arbres.

 John et Aymeric en pleine cueillette

Le bus du retour, unique, passe au même carrefour isolé … à quatre heures du matin. Merci les gars pour la grasse matinée. Nous quittons Ella puis Auguste, dans la nuit noire et les aboiements des cagous. La montagne, elle, reste allumée pour les engins d'extraction qui ne s'arrêtent jamais. La vie en tribu a eu raison de nous. Nous en venons à envier une infirmière qui a passé plusieurs mois avec Ella, retrouvant une douceur de vivre qu'à jamais, le monde moderne sera dans l'incapacité d'offrir. 

 Coco Sab en plein action

mercredi 5 mars 2014

A l'assaut du Mont Humboldt

Du café du bout du monde …

Alors que nous buvions tranquillement une bière au bien nommée café du bout du monde, Paulo, un ami de Jean-Charles, nous lance un : « si vous le voulez, vous pouvez venir avec nous demain pour une rando. Vous êtes motivés ? ». Le sang de Sabine, la trekkeuse insatiable, ne fit qu'un tour. « Bien sûr ». Le seul problème est qu'il est pas loin de minuit. Nous n'avons qu'une barquette de frites dans le ventre, quelques bières et aucune vivre pour tenir deux jours. De plus, l'heure de rendez-vous est fixé le lendemain matin à cinq heures. A l'impossible, nul n'est tenu.

C'est écrit

La cousine de Sabine nous prête sa voiture (merci) et nous voilà partis, à la fraîche, pour ce Mont Humboldt. Une halte dans une station-service, nous permet de nous fournir en « boîtes » peu appétissantes, en eau et en pains. Nous sommes équipés a minima. Nous retrouvons les autres randonneurs dans une villa qu'ils partagent en collocation : Paulo, le scaphandrier breton, Mich, le technicien lyonnais, Laura, la véto globe-trotteuser, Lisa, l'orthophoniste délocalisée, et Vincent, le spécialiste de la roussette, la chauve-souris locale. Une sacrée équipe de z'oreilles.
 Mine exploitée

Nous rejoignons notre guide du jour qui nous permettra de rejoindre le début de la randonnée. En route, dans un virage, nous échappons de peu à un accident. Une voiture devant nous a fini dans un arbre pour éviter le véhicule arrivant en face qui avait mal calculé son virage, obstruant ainsi la voie que la voiture d'en face devait occuper. Vous suivez ? Fébrile, on gare la voiture à l'abri. Puis, nous sautons dans une fourgonnette et partons en direction de l'intérieur des terres. Le chemin est privé et nous devons relever une barrière. Nous avançons sur une piste qui mène à une mine de nickel. Le chemin que nous allons emprunter est le fruit du travail laborieux d'un homme qui a décidé de consacrer une grande partie de son temps à l'entretien du chemin. Chapeau bas monsieur … vu le terrain.

 
 Easy Sab

Nous partons sous le soleil et observons la mine de loin. Des immenses camions stationnent sur une terre orange. La montagne a été comme découpée. De gros morceaux manquent. Ils sont déjà partis vers l'Australie, le Japon ou la Corée pour être exploités On est chez un « petit minier » qui a reçu une concession de l'État français et l'exploite. Le minerai n'est pas systématiquement traité sur place. Le paysage est verdoyant, la terre toujours pastel. Le lagon au loin nous nargue. Malgré la chaleur et la proximité de l'océan, aucune baignade n'est prévue ce jour. Aymeric souffre de sa mauvaise alimentation. 

 Aymeric retrouve le sourire ... le temps de la photo

Le soleil est lourd dès neuf heures du matin. Sur le chemin, ni ombre, ni aucune source d'eau. La rude montée est interminable. Après trois bonnes heures, nous pénétrons dans un maquis d'une densité jamais vue. Il nous aura fallu plus d'une heure et demie supplémentaire pour marcher moins de deux kilomètres, entre des racines et des branches envahissantes. 

Into the wild

Notre déjeuner est rapidement pris entre deux rochers. Nous retrouvons enfin l'air libre et un petit plateau qui mène, en une petite heure, directement au refuge. Enfin … du repos.

 Au refuge
au bout du monde

Une soirée animée autour du feu nous attend. Nous prenons nos marques dans ce refuge au confort modeste. La joyeuse équipe nous régale de leurs tranches de vie calédoniennes et de leurs petits plats faits maison absolument délicieux. Paulo nous raconte « sa maison du bonheur » durant ses études, une sorte de collocation étudiante plutôt aurovillienne. 

Mer de nuages au lever du soleil

Nous finirons par dormir du repos du juste. Une dernière marche nocturne avec un départ à cinq heures du matin nous autorise un lever du soleil au sommet. Avec une lampe pour deux, nous progressons lentement dans une végétation bien nourrie. Après l'escalade de nombreuses dalles de pierre et de rocailles tranchantes, nous atteignons enfin le sommet de ce mont Humboldt (1618 mètres – deuxième sommet calédonien après le Mont Panié avec ses 1629 mètres) à l'ascension interminable.

Lagon à l'horizon

Le soleil commence à briller. Le vent chasse des mers de nuages et en ramène d'autres. Le lagon se découvre à l'est comme à l'ouest. Une symphonie de bleus et de verts colore un paysage mer et montagne. Le relief calédonien est très enchevêtré et difficile d'accès. La descente, après ce réveil précoce, fut longue et pénible. Largués par les autres du fait de notre rythme un peu lent, nous avançons avec la volonté du randonneur qui ne lâche rien. 

 Prendre son pied ... à la pause

Le panorama fut une source constante de plaisir, comme la rivière qui à notre arrivée nous offrira une fraîcheur salvatrice dans un canyon ombragé. Encore un grand merci à la fine équipe qui nous a permis de vivre tout cela. Une conclusion. Le Mont Humboldt, cela se mérite ! On comprend aussi pourquoi seulement cinq routes traversent la chaîne centrale calédonienne, un vrai mur de Berlin minéral.

 Une magnifique randonnée

Mondanités à Nouméa

Câlinés dès notre arrivée

Entre Papeete et Nouméa, notre vol sur Air Calin (pour Calédonie international, « et cela ne va pas plus loin » comme l'expliquera l'hôtesse de l'air au grand dam d'Aymeric qui attendait un hug des grands jours), se déroule dans la plus grande sérénité. Grâce à tous les étages du génie culinaire et alcoolique français, Aymeric finira avec un sourire jusqu'aux oreilles, même pendant les turbulences qui s'activent dès notre arrivée avec le grain d'ouest. Sabine, plus sage que jamais, profite de la cinémathèque à bord.

 Premier contact avec la culture mélanésienne

Bien qu'au plein milieu de l'océan Pacifique, nous avons décollé d'un territoire français pour atterrir dans un autre. C'est comme si, partis de la maison, nous arrivions dans une autre. Ce sentiment de se sentir chez soi (à plus de 15.000 kilomètres de la métropole quand même) est d'autant plus grand que nous avons bénéficié d'un véritable cadeau des dieux. Pour la première fois de notre world tour, nous sommes attendus à l'aéroport … celui de la Tountouta en l’occurrence.


Étale poissonneuse

En effet, Béatrice, croisée avec Yves en Inde (à peine dix minutes à Pondichéry quelques dix mois plutôt), nous accueille chaleureusement dès notre premier pas sur le sol calédonien. En même temps, il est vrai que les rencontres en Inde, ne vous laissent jamais indifférents. Yves nous rejoint sur le port de la Moselle et nous propose de nous héberger sur son bateau. On croit rêver face à cette gentillesse incommensurable. Béatrice est née en métropole. Après un enchaînement heureux d'emplois dans l'administration, elle a rejoint Yves en Nouvelle-Calédonie. Ce dernier est calédonien depuis cinq générations. Membre d'une fratrie de neuf enfants, il aime son pays, et nous transmet son enthousiasme et sa connaissance fine du Caillou. Yves nous apprend les subtilités du monde kanak, où chaque tribu parle sa langue, le français étant leur dénominateur commun. Grâce à ce couple d'aurovilliens, ou presque, nous sommes directement plongés dans le grand bain calédonien, et mon dieu qu'il est agréable.

 Trouée végétale

Nous sommes aussi abasourdis de retourner dans une grande ville urbaine comme Nouméa. Le béton orne une ville moderne lovée autour du lagon. La circulation est plutôt dense. La tête encore perdue dans nos îlots de rêve polynésiens, nous sommes déboussolés par notre retour à la vie urbaine. Devenus gitans des mers, nous avons heureusement plusieurs points d'ancrage dans cette capitale à la peau claire.

Accueil à la française

Notre séjour à Nouméa, plus de dix jours en tout séquencés en deux temps, a été l'occasion de partager l'expérience, grâce à leur bienveillante hospitalité, de plusieurs couples de métros installés dans cet annexe du paradis qui nous ont accueillis avec le sourire. Au final, nous rencontrerons des gens formidables dans un pays formidable

 Fenêtre avec vue

C'est déjà Ingrid et Benjamin, couple de grenoblois, qui nous reçoivent généreusement (sans doute on-t-il eu le sentiment de se faire squatter leur home sweet home !) dans leur appartement de service. Elle, Ingrid, finit son internat de médecine dans cet endroit paradisiaque. Lui, Benjamin, a trouvé un poste à la CAFAT, la sécu locale. Ils nous racontent leur installation et la découverte de leur nouvel environnement de vie, et leurs explorations, notamment au Vanuatu. Un soir, il nous amène à un concert de jazz manouche sur la magnifique baie des citrons, la BD comme elle est appelée. On se croirait sur la côte d'Azur. Leur appartement a une vue imprenable sur l'usine de la société Le Nickel, acteur historique de la production de nickel en Nouvelle-Calédonie.

 Usine en centre ville

Nous comprenons bien vite l'importance de cette ressource pour ce territoire des antipodes. Nous constatons aussi que son exploitation n'est pas neutre pour la nature. Par exemple, Ingrid et Benjamin ne peuvent pas réellement profiter de leur terrasse : les rejets de l'usine déposent chaque jour une pellicule de poussière orangée. Nouméa reste une des villes les plus pollués au monde. La proximité de leur appartement avec le centre ville nous permet d'assister aux manifestations de la place des cocotiers (tout un programme !), en particulier les danses et animations proposées par l'île des Pins, lors des jeudis du centre-ville. Un avant goût du paradis. Pour notre plus grand bonheur, nous commençons à découvrir les subtilités de la très riche culture mélanésienne. Benjamin nous rappelle que le mélanésien fait du tango visuel : son jeu de regard n'appartient à personne d'autre. Nous aurons l'occasion d'observer cela de plus près. Merci à Ingrid et Benjamin pour nous avoir fait partager leur vie calédonienne qu’ils apprécient tant.

 Sabine a déjà trouvé ses marques

Nous avons également été accueillis par Alexandre et Caroline, un couple de parisiens qui se retrouvent à l’autre bout du monde en raison d’une mutation. Sabine avait rencontré Alexandre il y a plus dix ans maintenant du côté du Cambodge et de Phnom Penh Leur maison avec jardin (de fonction s’il vous plait) est très agréable. Ils nous reçoivent les petits plats dans les grands avec des préparations culinaires absolument délicieuses et so frenchy. Un vrai délice. Fonctionnaires, ils occupent des postes d’importance, elle, aux douanes, lui à la mairie de Nouméa. A leur contact, Sabine rêve plus que jamais de trouver un poste sur le caillou. Sur la terrasse, leurs conversations nous permettent de beaucoup mieux connaître la vie professionnelle calédonienne. La vie de fonctionnaire tropical n’est pas toujours facile. L’environnement est superbe mais le travail reste le travail, et l’administration, l’administration. La vie administrative sous les tropiques compte aussi certains risques. Elle, par exemple, a eu un accident de voiture durant son service. Un chauffard a coupé la priorité en pleine ligne de la voiture qu’elle occupait droite. Un choc fut si violent qu’il l’oblige à porter durant plusieurs mois un corset. Encore un grand merci pour votre accueil.

La famille, c’est la famille

Lors de notre séjour en Calédonie, nous devions absolument retrouver la cousine de Sabine, Raphaëlle. Dotée d’une étrange ressemblance avec Sab, elle est installée là-bas depuis plusieurs années en tant qu’orthophoniste à Nouméa, dont un jour par semaine sur les îles Loyalty. Son copain, Jean-Charles, normand de son état, est parti avec elle. Il a trouvé un travail dans son domaine de spécialité sans trop de problèmes. Et depuis la famille s’est agrandie de l’adorable petite Juliette. Ils logent dans un super appartement avec terrasse à l’intérieur de Nouméa. Un bel endroit tout en calme et volupté que nous avons « occupé » de nos envahissants paquetages.

 Réunion de famille improvisée

Leur vie calédonienne est réglée comme du papier à musique. Et il faut bien avouer qu’elle a suscité en nous de réelles envies d’installation. Eux deux (voire trois en fait) ont su s’entourer d’un confort à toute épreuve (y compris pour élever la petite Juliette) tout en se plongeant dans la culture mélanésienne et les particularismes calédoniens. Ils n’oublient pas non plus de profiter des avantages de la vie à Nouméa : l’anse Vanta à moins de dix minutes de chez eux, le marché aux poissons plus délicieux les uns que les autres (au prix trois fois supérieur que celui du supermarché de Bora-Bora), la nourriture orientalisante, les joies de la montagne, … et on en oublie encore. Ils possèdent sur place une solide bande d’amis qui comme eux, on fait le choix il y a quelques années de tenter l’aventure sur le caillou. Certains sont mêmes des amis historiques de Jean-Charles qui les connaît depuis des lustres. Tout ce bout monde a été un atout précieux dans la réussite de notre séjour calédonien. L’ascension du Mont Humboldt en est le parfait exemple, comme le fait que nous n’ayons jamais dormi dans un hôtel sur le caillou durant la totalité de notre séjour. Ils nous ont fait profité de leurs bons plans. La classe. Nous avons ainsi pu faire un « apéro » dans un nakamal pour boire le kava. Drôle d’expérience que de se retrouver dans un endroit pareil pour boire dans une demi noix de coco un breuvage terreux issu d’une racine du Vanuatu qui vous engourdit la bouche dans une obscurité réelle et un calme communicateur. 


 

Leur accueil fut, au final, absolument parfait et on les remercie encore mille fois de tout ce qu’ils ont fait pour nous. On remercie aussi leurs canapés que nous avons squattés durant des heures pour finaliser notre voyage et le blog dans sa partie polynésienne. Leur vie ultramarine est encore aujourd’hui un souvenir fort de notre voyage. D’autant plus que l’attache familiale a joué à fond. Sabine et ses cousines (dont la sœur de Raphaëlle, Aurélie, et sa petite famille) ont même réussi l’exploit d’organiser, chez un tiers, une réunion de famille impromptue. Improbable. 

 Avec Monsieur Djibaou

L’appartement de Raphaëlle et Jean –Charles a été notre base pour partir à l’exploration aussi bien de Nouméa que du reste de la Calédonie. Pour rappel, Nouméa la blanche n’est pas vraiment une ville très belle, ni très bien aménagée ni urbanisée, même si le site naturelle qu’elle occupe est splendide. Le métissage n’y est pas si courant entre les différentes communautés : métro, polynésiennes, wallisiennes et mélanésiennes même s’il est présent. La ville est en tout cas très franchouillarde. On peut y débusquer tout ce que l’hexagone compte de délices. Le mode de vie est très « français » même s’il compte de nombreux apports australiens et américains.

 Anse Wata

Nouméa est aussi une ville de contrastes. L’habitat océanien (en gros un bungalow en bois) est capable de côtoyer des appartements de grand luxe financés par les lois de défiscalisation successives. La ville donne l’impression de souffrir de ségrégation dans beaucoup de domaines. Sous certains aspects, elle peut donner l’impression d’être ultramoderne tout en étant en miroir à d’autres endroits en dehors du développement moderne. Les embouteillages de 4*4 sont quotidiens tandis que les étudiants mélanésiens ne parviennent pas à se loger. Étrange contraste. Culturellement parlant, Nouméa est une ville assez dynamique pour un territoire de 150.000 habitants. Appartenance française oblige. Nous avons eu droit à la visite du musée de la Nouvelle-Calédonie qui comptait une exposition très intéressante sur une famille de missionnaires anglais qui a évangélisé une des îles Loyaulty durant le XIXème siècle.

 En bagayou d'époque

Mais le vrai chef-d’œuvre culturel moderne de Nouméa (peut-être même du pacifique dans son ensemble) est sans aucun contexte le musée Jean-Marie Djibaou. D’une architecture inégalée, (due à Renzo Piano, celui du centre Pompidou à Paris dans un tout autre style) posée face au lagon, le lieu déborde d’une grande énergie spirituelle tout en étant un endroit d’une quiétude absolue. Sa structure est fondée sur une interprétation moderne des traditionnelles cases kanaks. Il était un des points fondamentaux des accords de Nouméa que l’État français, par le biais de Michel Rocard, s’est engagé à financer coûte que coûte.. Son centre de documentation est excellent sur l’Océanie. Nous avons bien entendu vu plusieurs documentaires sur la construction du lieu, sur la recherche d’objets rituels dans les archipels voisins ou encore sur la vie de Jean-Marie Djibaou (qui a étudié à Lyon). Très instructif, nous y passerons deux après-midi complètes.

 
Au temps de la construction

Ce séjour à Nouméa fut vraiment une douceur. Il avait un avant goût de retour. Les personnes croisées sur place qui nous ont si gentiment accueilli ont été d’une grande aide. Merci à eux. Et peut-être (sans doute) à bientôt.

dimanche 13 octobre 2013

Fakarava et son lagon magique

Dans la passe sud de Fakarava

Nous n'avons qu'à peine le temps de digérer notre excellent séjour à Rangiroa que nous devons déjà partir pour Fakarava, un autre atoll des Tuamotu. L'avion d'Air Tahiti égrène les atolls avant d'arriver à destination. Durant le trajet, nous sommes littéralement scotchés au hublot pour profiter d'un spectacle de toute beauté. Reconnu réserve de la biosphère par l'UNESCO, Fakarava est, comme Rangiroa, un des plus beaux spots de plongée au monde.

Atoll vu du ciel

Notre pension est un repaire de plongeurs confirmés. Il est plaisant de baigner, sur la terre ferme, dans cette ambiance sous-marine car ces passionnés partagent facilement leurs expériences. L'un d'entre eux, Vincent, particulièrement prolixe, nous confie que durant son séjour polynésien, il a prévu plus de soixante plongées ! Lourdement équipé, il réalise des films et prend des milliers de photos de la faune ultra foisonnante du secteur. Un autre, Thomas, nous raconte son stage d'un an dans une ferme perlière dans le cadre de ses études sur l'atoll d'Ahé, cher à Bernard Moitessier. Coralie, quant à elle, nous « énerve » doublement : non seulement, elle n'est qu'à la moitié de son tour du monde (alors que la fin du nôtre commence), mais surtout elle habite à la Réunion. Rrrrrh!

Devant l'aéroport

Face au mur de requins

Nous succombons à la tentation d'un tour dans la passe sud. 

 
Départ en excursion

Après la traversée du magnifique lagon, nous nous retrouvons sur un motu paradisiaque (il s'agit d'un pléonasme !). 

Motu

Le bateau arrimé, nous plongeons dans une anse minuscule. Un gigantesque napoléon y prend ses quartiers avec quelques dizaines de requin. Rapidement suivi par d'autres compatriotes, ce poisson massif est entouré d'une vie grouillante. 

 Napoléon

Nous nous enfonçons un peu plus dans la passe. Le snorkeling est totalement phénoménal. Des milliers de poissons de toute sorte se baladent tranquillement face à un mur de corail coloré qui plonge dans les profondeur abyssale de l'océan. Des requins sillonnent ce territoire en maître de lieux. La visibilité est prodigieuse. A vingt-cinq mètres de profondeur, des bancs de requins font du sur-place. 

La passe sud

Le courant entrant nous déporte sans le moindre effort. Il faut rester vigilant. Si nous nous éloignons trop, le courant risque de nous happer et de nous envoyer, bien malgré nous, au cœur du lagon après un voyage de quelques kilomètres.

Le tombant

Un dernier passage par des motus de sable rose nous rappelle que la Nature rejoint l'Art en certaines circonstances.

Le bateau accoste

Rassasiés, nous retrouvons le soir même le plancher des vaches pour un debriefing collectif. Au moment de payer l'excursion, la propriétaire nous demande si nous sommes résidents et, pris de compassion pour ces deux jeunes (plus si jeunes), nous accorde une réduction bienvenue. 

 
Port d'attache

Sabine regrette de ne pas avoir pu assister à l'office le matin même. Dommage, nous avions jeté notre dévolu sur la paroisse mormone. La prochaine fois, nous choisirons peut-être avec les témoins de Jéhovah ! Qui sait ?

Cimetière mormon

A bicyclette

Le lendemain, notre escapade nous emmène à la passe nord. Nous profitons d'une piste cyclable intégrée à la route principale. Chose quasiment inexistante en Polynésie. Nous apprenons que la route (une quarantaine de kilomètres) a été construite à grand frais pour que le Président Chirac puisse, un jour, aller directement, depuis l'aéroport, dans la luxueuse résidence personnelle de Papa Flosse qu'il souhaitait mettre à sa disposition. Dans cette perspective, la piste avait été également refaite pour accueillir des gros porteurs. Finalement, sans doute dans la crainte d'un scandale à venir, Chichi n'est jamais venu et Fakarava conserve ses infrastructures de qualité, dont la fameuse route-président comme ils l'appellent. L'argent de la République ne dort jamais sous les cocotiers !

A vélo

En chemin, nous nous arrêtons à la plage du PK9 pour un déjeuner, non pas sur l'herbe, mais sur une plage de sable fin. Après une sieste méritée, nous louvoyons le long de la passe nord pour observer les va-et-vient entre le lagon et le large. Le soir venu, le spectacle de la voie lactée et de ses étoiles scintillantes nous enchantent. Le ciel de la nuit en Polynésie est un ravissement à part entière. Merci belle Croix du Sud !

La plage publique

Notre séjour polynésien tire à sa fin. Nous rentrons à Papeete le cœur serré. Vahiné Sabine serait prête à prendre, non pas le maquis, mais le motu !

On achèterait bien ce petit bout de paradis

Définitivement, les dieux, merci à eux, ont bien été généreux avec ce territoire polynésien où la vie semble si peu contraignante, hors de la modernité, du temps et de l'argent. Une vraie antichambre terrestre du paradis ! Dommage qu'on ne puisse pas s'y rendre pour le week-end !

 On est passé par là