mercredi 5 mars 2014

Mondanités à Nouméa

Câlinés dès notre arrivée

Entre Papeete et Nouméa, notre vol sur Air Calin (pour Calédonie international, « et cela ne va pas plus loin » comme l'expliquera l'hôtesse de l'air au grand dam d'Aymeric qui attendait un hug des grands jours), se déroule dans la plus grande sérénité. Grâce à tous les étages du génie culinaire et alcoolique français, Aymeric finira avec un sourire jusqu'aux oreilles, même pendant les turbulences qui s'activent dès notre arrivée avec le grain d'ouest. Sabine, plus sage que jamais, profite de la cinémathèque à bord.

 Premier contact avec la culture mélanésienne

Bien qu'au plein milieu de l'océan Pacifique, nous avons décollé d'un territoire français pour atterrir dans un autre. C'est comme si, partis de la maison, nous arrivions dans une autre. Ce sentiment de se sentir chez soi (à plus de 15.000 kilomètres de la métropole quand même) est d'autant plus grand que nous avons bénéficié d'un véritable cadeau des dieux. Pour la première fois de notre world tour, nous sommes attendus à l'aéroport … celui de la Tountouta en l’occurrence.


Étale poissonneuse

En effet, Béatrice, croisée avec Yves en Inde (à peine dix minutes à Pondichéry quelques dix mois plutôt), nous accueille chaleureusement dès notre premier pas sur le sol calédonien. En même temps, il est vrai que les rencontres en Inde, ne vous laissent jamais indifférents. Yves nous rejoint sur le port de la Moselle et nous propose de nous héberger sur son bateau. On croit rêver face à cette gentillesse incommensurable. Béatrice est née en métropole. Après un enchaînement heureux d'emplois dans l'administration, elle a rejoint Yves en Nouvelle-Calédonie. Ce dernier est calédonien depuis cinq générations. Membre d'une fratrie de neuf enfants, il aime son pays, et nous transmet son enthousiasme et sa connaissance fine du Caillou. Yves nous apprend les subtilités du monde kanak, où chaque tribu parle sa langue, le français étant leur dénominateur commun. Grâce à ce couple d'aurovilliens, ou presque, nous sommes directement plongés dans le grand bain calédonien, et mon dieu qu'il est agréable.

 Trouée végétale

Nous sommes aussi abasourdis de retourner dans une grande ville urbaine comme Nouméa. Le béton orne une ville moderne lovée autour du lagon. La circulation est plutôt dense. La tête encore perdue dans nos îlots de rêve polynésiens, nous sommes déboussolés par notre retour à la vie urbaine. Devenus gitans des mers, nous avons heureusement plusieurs points d'ancrage dans cette capitale à la peau claire.

Accueil à la française

Notre séjour à Nouméa, plus de dix jours en tout séquencés en deux temps, a été l'occasion de partager l'expérience, grâce à leur bienveillante hospitalité, de plusieurs couples de métros installés dans cet annexe du paradis qui nous ont accueillis avec le sourire. Au final, nous rencontrerons des gens formidables dans un pays formidable

 Fenêtre avec vue

C'est déjà Ingrid et Benjamin, couple de grenoblois, qui nous reçoivent généreusement (sans doute on-t-il eu le sentiment de se faire squatter leur home sweet home !) dans leur appartement de service. Elle, Ingrid, finit son internat de médecine dans cet endroit paradisiaque. Lui, Benjamin, a trouvé un poste à la CAFAT, la sécu locale. Ils nous racontent leur installation et la découverte de leur nouvel environnement de vie, et leurs explorations, notamment au Vanuatu. Un soir, il nous amène à un concert de jazz manouche sur la magnifique baie des citrons, la BD comme elle est appelée. On se croirait sur la côte d'Azur. Leur appartement a une vue imprenable sur l'usine de la société Le Nickel, acteur historique de la production de nickel en Nouvelle-Calédonie.

 Usine en centre ville

Nous comprenons bien vite l'importance de cette ressource pour ce territoire des antipodes. Nous constatons aussi que son exploitation n'est pas neutre pour la nature. Par exemple, Ingrid et Benjamin ne peuvent pas réellement profiter de leur terrasse : les rejets de l'usine déposent chaque jour une pellicule de poussière orangée. Nouméa reste une des villes les plus pollués au monde. La proximité de leur appartement avec le centre ville nous permet d'assister aux manifestations de la place des cocotiers (tout un programme !), en particulier les danses et animations proposées par l'île des Pins, lors des jeudis du centre-ville. Un avant goût du paradis. Pour notre plus grand bonheur, nous commençons à découvrir les subtilités de la très riche culture mélanésienne. Benjamin nous rappelle que le mélanésien fait du tango visuel : son jeu de regard n'appartient à personne d'autre. Nous aurons l'occasion d'observer cela de plus près. Merci à Ingrid et Benjamin pour nous avoir fait partager leur vie calédonienne qu’ils apprécient tant.

 Sabine a déjà trouvé ses marques

Nous avons également été accueillis par Alexandre et Caroline, un couple de parisiens qui se retrouvent à l’autre bout du monde en raison d’une mutation. Sabine avait rencontré Alexandre il y a plus dix ans maintenant du côté du Cambodge et de Phnom Penh Leur maison avec jardin (de fonction s’il vous plait) est très agréable. Ils nous reçoivent les petits plats dans les grands avec des préparations culinaires absolument délicieuses et so frenchy. Un vrai délice. Fonctionnaires, ils occupent des postes d’importance, elle, aux douanes, lui à la mairie de Nouméa. A leur contact, Sabine rêve plus que jamais de trouver un poste sur le caillou. Sur la terrasse, leurs conversations nous permettent de beaucoup mieux connaître la vie professionnelle calédonienne. La vie de fonctionnaire tropical n’est pas toujours facile. L’environnement est superbe mais le travail reste le travail, et l’administration, l’administration. La vie administrative sous les tropiques compte aussi certains risques. Elle, par exemple, a eu un accident de voiture durant son service. Un chauffard a coupé la priorité en pleine ligne de la voiture qu’elle occupait droite. Un choc fut si violent qu’il l’oblige à porter durant plusieurs mois un corset. Encore un grand merci pour votre accueil.

La famille, c’est la famille

Lors de notre séjour en Calédonie, nous devions absolument retrouver la cousine de Sabine, Raphaëlle. Dotée d’une étrange ressemblance avec Sab, elle est installée là-bas depuis plusieurs années en tant qu’orthophoniste à Nouméa, dont un jour par semaine sur les îles Loyalty. Son copain, Jean-Charles, normand de son état, est parti avec elle. Il a trouvé un travail dans son domaine de spécialité sans trop de problèmes. Et depuis la famille s’est agrandie de l’adorable petite Juliette. Ils logent dans un super appartement avec terrasse à l’intérieur de Nouméa. Un bel endroit tout en calme et volupté que nous avons « occupé » de nos envahissants paquetages.

 Réunion de famille improvisée

Leur vie calédonienne est réglée comme du papier à musique. Et il faut bien avouer qu’elle a suscité en nous de réelles envies d’installation. Eux deux (voire trois en fait) ont su s’entourer d’un confort à toute épreuve (y compris pour élever la petite Juliette) tout en se plongeant dans la culture mélanésienne et les particularismes calédoniens. Ils n’oublient pas non plus de profiter des avantages de la vie à Nouméa : l’anse Vanta à moins de dix minutes de chez eux, le marché aux poissons plus délicieux les uns que les autres (au prix trois fois supérieur que celui du supermarché de Bora-Bora), la nourriture orientalisante, les joies de la montagne, … et on en oublie encore. Ils possèdent sur place une solide bande d’amis qui comme eux, on fait le choix il y a quelques années de tenter l’aventure sur le caillou. Certains sont mêmes des amis historiques de Jean-Charles qui les connaît depuis des lustres. Tout ce bout monde a été un atout précieux dans la réussite de notre séjour calédonien. L’ascension du Mont Humboldt en est le parfait exemple, comme le fait que nous n’ayons jamais dormi dans un hôtel sur le caillou durant la totalité de notre séjour. Ils nous ont fait profité de leurs bons plans. La classe. Nous avons ainsi pu faire un « apéro » dans un nakamal pour boire le kava. Drôle d’expérience que de se retrouver dans un endroit pareil pour boire dans une demi noix de coco un breuvage terreux issu d’une racine du Vanuatu qui vous engourdit la bouche dans une obscurité réelle et un calme communicateur. 


 

Leur accueil fut, au final, absolument parfait et on les remercie encore mille fois de tout ce qu’ils ont fait pour nous. On remercie aussi leurs canapés que nous avons squattés durant des heures pour finaliser notre voyage et le blog dans sa partie polynésienne. Leur vie ultramarine est encore aujourd’hui un souvenir fort de notre voyage. D’autant plus que l’attache familiale a joué à fond. Sabine et ses cousines (dont la sœur de Raphaëlle, Aurélie, et sa petite famille) ont même réussi l’exploit d’organiser, chez un tiers, une réunion de famille impromptue. Improbable. 

 Avec Monsieur Djibaou

L’appartement de Raphaëlle et Jean –Charles a été notre base pour partir à l’exploration aussi bien de Nouméa que du reste de la Calédonie. Pour rappel, Nouméa la blanche n’est pas vraiment une ville très belle, ni très bien aménagée ni urbanisée, même si le site naturelle qu’elle occupe est splendide. Le métissage n’y est pas si courant entre les différentes communautés : métro, polynésiennes, wallisiennes et mélanésiennes même s’il est présent. La ville est en tout cas très franchouillarde. On peut y débusquer tout ce que l’hexagone compte de délices. Le mode de vie est très « français » même s’il compte de nombreux apports australiens et américains.

 Anse Wata

Nouméa est aussi une ville de contrastes. L’habitat océanien (en gros un bungalow en bois) est capable de côtoyer des appartements de grand luxe financés par les lois de défiscalisation successives. La ville donne l’impression de souffrir de ségrégation dans beaucoup de domaines. Sous certains aspects, elle peut donner l’impression d’être ultramoderne tout en étant en miroir à d’autres endroits en dehors du développement moderne. Les embouteillages de 4*4 sont quotidiens tandis que les étudiants mélanésiens ne parviennent pas à se loger. Étrange contraste. Culturellement parlant, Nouméa est une ville assez dynamique pour un territoire de 150.000 habitants. Appartenance française oblige. Nous avons eu droit à la visite du musée de la Nouvelle-Calédonie qui comptait une exposition très intéressante sur une famille de missionnaires anglais qui a évangélisé une des îles Loyaulty durant le XIXème siècle.

 En bagayou d'époque

Mais le vrai chef-d’œuvre culturel moderne de Nouméa (peut-être même du pacifique dans son ensemble) est sans aucun contexte le musée Jean-Marie Djibaou. D’une architecture inégalée, (due à Renzo Piano, celui du centre Pompidou à Paris dans un tout autre style) posée face au lagon, le lieu déborde d’une grande énergie spirituelle tout en étant un endroit d’une quiétude absolue. Sa structure est fondée sur une interprétation moderne des traditionnelles cases kanaks. Il était un des points fondamentaux des accords de Nouméa que l’État français, par le biais de Michel Rocard, s’est engagé à financer coûte que coûte.. Son centre de documentation est excellent sur l’Océanie. Nous avons bien entendu vu plusieurs documentaires sur la construction du lieu, sur la recherche d’objets rituels dans les archipels voisins ou encore sur la vie de Jean-Marie Djibaou (qui a étudié à Lyon). Très instructif, nous y passerons deux après-midi complètes.

 
Au temps de la construction

Ce séjour à Nouméa fut vraiment une douceur. Il avait un avant goût de retour. Les personnes croisées sur place qui nous ont si gentiment accueilli ont été d’une grande aide. Merci à eux. Et peut-être (sans doute) à bientôt.

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