On
the road again
Miche,
croisé sur la rando du Mont Humboldt, nous avait fortement conseillé
de nous rendre dans une tribu pour approcher le mode de vie
mélanésien. Nous avions cela en tête mais nous attendions un bon
plan. Il avait lui-même eu une expérience réussie près de Thio,
chez les Ouindo. Ni une, ni deux, nous appelons Ella pour prendre
rendez-vous sans vraiment savoir à quoi s'attendre d'un séjour pas
comme les autres. Un vague horaire de retrouvailles est arrêté. Un
lieu aussi. Nous préparons donc notre paquetage spécial de (sur)vie
en brousse.
En brousse
Nous
nous rendons à la gare routière de Nouméa pour filer dans le bon
bus. L'espace est rempli de mélanésiens en goguette. Nous
sympathisons avec quelques uns d'entre eux. Ils connaissent Ella et
nous parlent de plages splendides et de forêts perdus. Ils nous
racontent aussi leur vie familiale. La conversation semble toujours
avoir du mal à prendre au début, alors qu'en fait, une fois que
chacun s'est tranquillement présenté, l'authenticité prend le
dessus et permet des échanges réels. Nous jouons naturellement la
carte de la curiosité. Et cela marche bien. Les gens se livrent
facilement.
Arc-en-ciel divin
Après
quelques atermoiements, nous parvenons à prendre le (rare) bus qui
file vers le nord. Des étudiants et des familles ont pris place sur
les banquettes arrières. Une douce ambiance règne dans ce bus.
Fenêtres ouvertes, les embruns nous climatisent tout le long de la
remontée de la côte, côté lagon bien sûr. Après avoir traversé
Bouloupari et ses vues sur des montagnes en forme de pic, nous
montons à travers un relief tourmenté. La Nouvelle-Calédonie ne
porte pas ce nom par hasard. L'île est comparable à cette région
d’Écosse, les tropiques en plus quand même, peuplée de collines
imposantes, si chères au capitaine Cook.
Au bout de deux bonnes heures, le chauffeur nous indique que nous sommes arrivés. Nous ne sommes en réalité nulle part. Un croisement entre deux routes désertes fait office de lieu de rassemblement improbable. Un pick-up nous attend, phares allumés. Trois personnes l'occupent. L'aventure va commencer. A nous la vie en tribu pour quelques jours.
Décor mural au "Kaspa"
Au bout de deux bonnes heures, le chauffeur nous indique que nous sommes arrivés. Nous ne sommes en réalité nulle part. Un croisement entre deux routes désertes fait office de lieu de rassemblement improbable. Un pick-up nous attend, phares allumés. Trois personnes l'occupent. L'aventure va commencer. A nous la vie en tribu pour quelques jours.
Dans
la rivière
Nous
prenons place sur la plate forme à l'arrière. Nous nous accrochons
solidement aux structures métalliques et faisons la connaissance
d'Eugénie, de son regard profond (elle hausse les sourcils sans
arrêt et joue en permanence de ses orbites) et de son destin
calédonien (à la fin du mois, elle partira pour le nord, faire son
service militaire). Elle nous parle de son oncle qui a « réussi ».
Il est militaire dans le sud-ouest de la France et possède une
maison pour sa famille. Ce dernier élément est décisif à ses
yeux. Sans maison, dans la tradition mélanésienne, une famille
n'existe pas. La conductrice, la cousine d'Eugénie, trace sa route
sur une piste caillouteuse. Elle est en train d'apprendre à conduire
et cela se sent. Ella la co-pilote avec tendresse.
Sainte Sabine arrive au paradis
Le
pick-up s'arrête près de cases colorées. On arrive enfin dans le
royaume d'Ella. Elle l'a pertinemment surnommé « Kaspa »,
pour « te casse pas la tête », notre programme lors de
ce séjour. Elle nous offre des cafés chauds et la conversation
s'engage. Elle nous raconte sa vie entre un père tahitien et une
mère mélanésienne. Elle a une fille qui n'habite plus chez elle.
Définitivement, elle a un grand sens de l'hospitalité . Avec
Auguste, son jovial mari, elle nous raconte qu'elle a adopté (on ne
sait pas vraiment si ce mot recouvre la même acceptation pour eux
que pour nous) le fils de sa fille, John, et une autre enfant,
Eugénie. Lui est un rasta tropical et elle, une enfant sociable et
dynamique. Auguste s'active sur son tracteur. Il s'occupe de ses
taros d'eau bénis des dieux qu'il préparera pour une grande
occasion, un mariage, un enterrement ou une naissance. Si nous avons
tout compris, il est un des chefs de la tribu. Il a un grand sens de
la jovialité. Avant le coucher du soleil, John nous accompagne
jusqu'à une rivière rafraîchissante à travers un maquis tropical
qu'il parcourt pieds nus, semelle amortissante intégrée directement
dans la voûte plantaire. Nous évitons les écrevisses pour nous
asseoir au milieu du courant. La température de l'eau est idéal.
Nous sommes son féal.
Ligne de crête calédonienne
Sur
le chemin du retour, nous apercevons une montagne qui a perdu son
sommet. La terre d'un orange profond annonce un mine de nickel en
exploitation, l'une des plus vieilles de Calédonie en fait. De
nouveau à la maison, nous cultivons quelques tomates cerises pour le
repas du soir. Nous découvrons nos baraquements en bois, nos lits à
étage et la vie d'Eugénie. Ancienne miss de son village, son
rapport à l'école est complexe. Elle n'est pas encouragé en cela
par Ella qui lui conseille « de
lâcher le crayon pour prendre plus souvent la bêche ».
Elle pianote son téléphone portable, son Vini, toute la journée en
écoutant du son reggae.
Veillées
mélanésiennes
Sabine
prépare les taros du soir. Elle vide et rappe la noix de coco avant
d'en faire couler le lait sur le gratin prêt à cuire. Nous
trinquons au vin rouge avec Auguste et Ella ans dansla quiétude
tropicale. Elle a un tempérament artiste. Elle a peint tous les murs
de ses cases. Un cheval traîne dans le champ d’à-côté. Nous
admirons la fleur de frangipanier placée dans ses cheveux.
Elle nous raconte sa vie à la fois douce et violente. Les manus chatoyants, ces morceaux de tissus issus du Don, flottent dans le vent du soir. Ils témoignent d'une solide implantation locale. Un hélicoptère de l'armée passe en pleine nuit, sans prévenir, au-dessus de nos têtes. Un ami d'Ella, accompagné de sa famille, fait la coutume à Auguste en offrant cigarettes, billets pacifique et manus. Nous nous couchons tôt, plus que repus de ces agapes australes.
En plein préparation du taro-coco
Elle nous raconte sa vie à la fois douce et violente. Les manus chatoyants, ces morceaux de tissus issus du Don, flottent dans le vent du soir. Ils témoignent d'une solide implantation locale. Un hélicoptère de l'armée passe en pleine nuit, sans prévenir, au-dessus de nos têtes. Un ami d'Ella, accompagné de sa famille, fait la coutume à Auguste en offrant cigarettes, billets pacifique et manus. Nous nous couchons tôt, plus que repus de ces agapes australes.
Groseilles des bois
Le
lendemain, une journée bien active nous attend. Nous partons en
pick-up pour débroussailler une parcelle appartenant à la famille.
Nous slalomons à travers les arbres pour atterrir sur un espace vert
bien touffu. John s'excite sur sa machine pendant que nos coupe-coupe
font tomber des montagnes de végétaux. Aymeric terminera la matinée
avec une main droite ampoulée comme jamais après avoir tracé,
courageusement, un chemin dans le chemin. Sabine cueille des fruits
des bois généreux qui seront notre dessert dominical. Ella consulte
ses ignames. Les lourds bananiers annoncent une belle saison. Notre
faim nous pousse à puiser dans nos réserves généreusement
offertes par la nature. Le repas est pantagruélique. Il nous faudra
beaucoup de volonté, après la sieste obligatoire, pour retrouver le
chemin de la promenade. Nous finissons dans un bain chaud perdu sous
les arbres.
John et Aymeric en pleine cueillette
Le
bus du retour, unique, passe au même carrefour isolé … à quatre
heures du matin. Merci les gars pour la grasse matinée. Nous
quittons Ella puis Auguste, dans la nuit noire et les aboiements des
cagous. La montagne, elle, reste allumée pour les engins
d'extraction qui ne s'arrêtent jamais. La vie en tribu a eu raison
de nous. Nous en venons à envier une infirmière qui a passé
plusieurs mois avec Ella, retrouvant une douceur de vivre qu'à
jamais, le monde moderne sera dans l'incapacité d'offrir.
Coco Sab en plein action
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