Aymeric
avait eu la délicate attention d'offrir à Sabine un pass Air Tahiti
pour son anniversaire. Quelle bonne idée ! Nous retraversons
donc le lagon de Bora-Bora (toujours aussi hallucinant), montons dans
un ATR 72 et décollons en direction de Rangiroa dans l'archipel des
Tuamotu.
Un anneau de corail
Rangiroa
est le second plus grand atoll du monde. L'île haute a entièrement
disparu sous l'eau. Il ne reste plus qu'un anneau corallien de
plusieurs centaines de kilomètres de diamètre et de quelques
centaines de mètres de large. La terre ferme n'est pas continue. Des
motus se succèdent entre les passes, des ouvertures sur l'océan, et
des hoa, des chenaux entre l'océan (tua en polynésien) et le lagon
(tai-tai).
Un bout de terre posé sur l'eau
Le
survol en avion de l'atoll offre pour commencer une vision unique
d'une fine bande de terre qui a du mal à émerger au-dessus d'une
eau, foncée pour l'océan, plus claire, et en dégradé, pour le
lagon. Le pilote s'amuse à amorcer un virage au-dessus d'un lagon
bleu, un lagon dans le lagon. Rangiroa a la réputation d'être un
des plus beaux spots de plongée au monde. Nous allons pouvoir le
constater par nous même.
Comme un tableau
Le
lagon est bleu … comme un ananas
Le
propriétaire de notre pension, Frédérique, nous réceptionne à
l'aéroport et nous accompagne jusqu'à notre lieu de villégiature.
En route, nous lui demandons quels ont été les dégâts occasionnés
par la tempête de la semaine dernière. Elle nous explique qu'un de
ses bungalows a été soufflé par des vents à plus de 150 km par
heure et que la sécurité civile à Papeete a prévenu les autorités
locales de la tempête près de cinq heures après son commencement.
Belle efficacité ! Au moment où nous apprêtons à dépasser
un site particulièrement touché et qu'Aymeric s’apprête à
ironiser sur son très mauvais état, Frédérique ralentit et tourne
à gauche. Nous sommes arrivés !
La pension après la tempête
La pension se révèle un
désastre de construction. La propriétaire a en effet décidé
d'arrêter ses activités la semaine suivante. Tous les bungalows
sont dans un état déplorable. Sabine commence à faire grise mine
lorsqu'elle constate que le site de camping n'est en fait qu'une
plage de coraux aucunement abritée du vent. Les nuits s'annoncent
mouvementées ! Sabine passera d'ailleurs la première nuit à
rêver, dans le souffle incessant des alizés qui tordent la tente, de partir dès le lendemain pour une autre pension.
Pourtant,
nous n'aurons pas le temps le matin de changer de pension. Une
excursion « touristique » nous attend. Direction le
lieu-dit, le lagon bleu. Un pick-up rutilant nous transfère au port
au petit matin et nous sautons dans un bateau solidement motorisé
(plus de 250 chevaux). Il faut plus d'une bonne heure pour se rendre
dans cette extension du paradis terrestre. Le bateau file à très
vive allure dans un lagon où des vagues de deux à trois mètres
définissent le rythme de notre avancement. Pour l'anecdote, le
retour fut plus mouvementé encore. La bateau se stabilise à
l'entrée d'un hoa.
Des dizaines de requins se distinguent déjà
dans une eau translucide. L'équipe qui nous accompagne nous rappelle
que nous plongerons ici dans quelques heures. Gloups !
Transparence
Nous
partons à la découverte du lagon bleu avec nos guides tahitiens.
Ils se révèlent d'une infinie gentillesse et assurent comme des
pros. Nous avons droit à une randonnée aquatique à travers les
motus, un repas pantagruélique (avec du café à la vanille pour
finir), des démonstrations de nouage de paréos, un concert
improvisé à la guitare et un anniversaire surprise. Ouf ! La
moyenne d'âge est plutôt élevée. Nous sommes les « jeunes »
de la troupe. Nous sympathisons avec nos guides tahitiens sous les
cocotiers, loin de la mêlée. L'endroit est simplement magique !
Le repas terminé, les choses sérieuses commencent. Le bateau fait
quelques mètres, puis se fige. A l'eau maintenant. Nous nous
retrouvons à barboter entourés de plus de cinquante requins, des
pointes noires et des citrons essentiellement. Quel curieux sentiment
de se retrouver face à un requin qui vous fonce dessus et change
de direction à la dernière minute. Bien sûr, Sabine a réussi à
bloquer la Go Pro juste avant. Donc aucune image. Dommage. Mais quel
souvenir !
Aymeric et Moa, notre adorable guide
Les dents de la mer
Vie
à la tahitienne
Le
soir venu, nous nous retrouvons à la pension en compagnie d'Amanda,
une américaine de Seattle, et d'un couple qui enchaîne les plongés.
Amanda est venue apprendre le français en faisant du
woofing dans une ferme perlière à Ahé, un atoll perdu. Original !
Assez roots, elle dort dans son hamac accroché entre deux filaos
face au vent. « Cute », elle a suscité la convoitise des
tahitiens accompagnateurs de la sortie au lagon bleu. Tant mieux,
l'un d'eux, Moa, décide de passer la soirée et le jour suivant avec
nous. Une véritable plongée dans la vie tahitienne. Durant toute la
soirée, il nous régale de ses anecdotes, navigant entre le français
et le tahitien.
Au
cours d'une baignade entre les coraux du lagon, Sabine fait la
connaissance de Flo, notre voisine tahitienne. Elle pratique avec
elle son activité fétiche, à savoir radio cocotier, équivalent
local du téléphone arabe. Bien lui en a pris, le lendemain, Flo
nous invite « au coprah » comme on dit ici.
Nous voilà
donc embarqués avec elle, son compagnon et Jojo, en direction de
leur cocoterai à quelques encablures de notre pension. Nous allons
passer toute la matinée en leur compagnie à dévider les noix de
coco de leur amande pour les
faire sécher au soleil. Le chef des opérations insiste :
« Travaille doucement. Si tu es fatigué, tu te reposes. Pas la
peine d'en faire trop. S'il le faut, nous finirons demain. Pas de
problème ».
On est bien loin du « stress de
Papeete », comme il le rappelle ironiquement sur les atolls. Le
stress de Papeete, un comble ?! Les tahitiens déploient, comme
d'habitude, des trésors de générosité, de gentillesse et de
bienveillance. Ils ont la parole (très) facile et nous passerons
plusieurs heures à échanger, sans jamais faiblir, sur la vie sous
les alizés. Le coprah est une rente pour les tahitiens qui leur
permet de disposer d'un peu d'argent frais. N'oublions pas qu'ici, le gouvernement du pays n'a pas souhaité adopter les minimas sociaux
et les allocations chômage. L'état providence, ici, c'est le cocotier,
sans qui la vie serait bien moins facile. Il faut bien reconnaître
que la nature est généreuse : la lagon fournit aussi des
poissons en grande quantité et que, tropique oblige, la culture des
légumes et des fruits est plutôt aisée. Si l'on ajoute la
solidarité familiale, personne ne meurt de faim. Et vu les carrures
physiques, autant vous dire qu'ici la faim se comble à coups de
portions gigantesques et que la soif s'étanche par caisses de
bières. Flo nous précise que le week-end venu, il n'est pas rare
qu'un tahitien enfourne ses trois ou quatre caisses et s'adonne à la baston du vendredi et samedi soir. Pour précision,
la caisse est de dix litres !
A
l'ombre des cocotiers en fleurs, Sabine s'essaye aux gestes
ancestraux avec une certaine dextérité il est vrai, mais sans la
rapidité des gestes sûrs des travailleurs expérimentés. Nos hôtes
insistent pour nous offrir un « casse-croute ». Le
compagnon de Flo nous raconte alors son séjour à la prison de
Papeete, "l'hôtel California" comme il la nomme, il y a quelques
années déjà. Ébahis, nous écoutons. « J'ai passé un
séjour fantastique la-bas. La nourriture est délicieuse. J'ai été
formé. J'ai rencontré plein de monde. Les activités étaient très
bien organisées. J'ai amélioré mon français. J'ai presque été
triste de la quitter ». Recherche faite, aujourd'hui, ce
« paradis » est dans un état épouvantable, mais est
toujours en capacité de recevoir des hôtes de marque. Papa Gaston
en sait quelque chose !
Nous
retrouvons nos hôtes à l'heure du dîner. Leurs enfants sont
présents autour d'un barbecue pour une veillée comme seuls les
tahitiens peuvent le faire. Douce vie tahitienne.
Le
lendemain sonne l'heure du départ. Tôt levé, Aymeric est surpris à
la fraîche par Moa qui souhaite offrir à vahiné Sabine quelques
cadeaux. Il est 5h45 ! Au réveil, Sabine se retrouve avec : un
collier de coquillages, un fleur de frangipanier et un adorable petit
sac tressé. Sans notre refus, nous nous serions retrouvés avec des
t-shirts et d'autres choses encore ! Merci à lui ! Toujours
cette hospitalité polynésienne totalement bluffante. Moa nous
révèle qu'il est un danseur hors-pair et qu'il fait partie d'un
groupe. Il nous précise que dans un ou deux ans, il ira danser à
Tahiti. Bonne chance à lui.
La fine équipe
De notre côté, après une dernière visite de la passe nord, nous partons après des adieux chaleureux pour aller … danser avec les requins à Fakarava.
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