Interloquée,
la vendeuse des billets du Maupiti express nous observe avec de
grands yeux ébahis : « Une semaine à Maupiti ? C'est petit
là-bas. Vous allez vous ennuyer ! ». Son étonnement
nous fait sourire, sachant que l'ensemble des terres immergées de la
Polynésie équivaut à la moitié de la Corse.
Bienvenue à Maupiti
Sans
grande hésitation, nous quittons temporairement Bora Bora, la perle touristique de Polynésie,
pour sa voisine réputée plus tranquille et authentique. Nous
prenons place à bord du Maupiti express, surnommé non sans raison
le « vomito express», pour se lancer dans deux
heures de danse acrobatique sur les vagues du Pacifique.
L'ancêtre du Maupiti express
Sur
mon motu
Maupiti
est composée d'une île haute, dont les arrêtes rocheuses dominent
un lagon d'un bleu étourdissant, qui s'entoure d'une succession de
motus, formant une couronne corallienne à fleur d'eau.
Notre motu est au fond à gauche
C'est
sur l'un d'entre eux, le motu Tiapaa, que nous amerrissons à l'aide
d'une petite barque frêle et gracieuse. Notre terre d'asile est une
étroite bande de sable, où les cocotiers, plantés il y a quelques
années pour la culture du coprah, fleurissent sans peine profitant
de la réverbération d'une mer translucide.
Sunset
Quelques
pensions bordent le rivage et de nombreux chiens gravitent autour des
visiteurs. La notre en accueille pas moins de cinq (au grand plaisir
d'Aymeric), la plupart étant dans un état piteux. Nombreux d'entre
eux sont abandonnés à leur sort ; un seul vétérinaire est
basé à Bora Bora et reçoit la visite de ses animaux patients par
bateau.
Un motu ne se quitte qu'en bateau
Notre
îlot est dépourvu de tout magasin et toute infrastructure. L'eau,
soit des sous-sols avec son goût saumâtre soit les gouttes de pluie
récoltée en saison, est rationnée. Nous
vivons en autarcie, se déplaçant uniquement en barque ou en kayak,
au rythme du soleil, le hamac bercé par le vent. Le paradis n'est
décidément pas loin.
Portrait gauguinesque
La
pension Rose des îles
Béatrice,
belle-fille du propriétaire, nous accueille à sa façon, énergique
et directive tandis que Sikki, son compagnon, nous adresse, entre
deux mots de français hésitant, un sourire radieux où ses deux
dernières dents se battent en duel. La mère de Béatrice, après
une vie en métropole, tombe amoureuse, et du pays, et d'Arreti, le
projectionniste de Maupiti. Le soir de leur rencontre, Arreti, ému,
se trompera sans arrêt dans la projection du film, provoquant
l’hilarité de tous les spectateurs. Après le décès de sa mère,
la fille perpétue son mode de vie, s'échinant à entretenir ce
jardin d'éden en distribuant ordres et contre-ordres.
Sikki et Béatrice, un couple très rose
Gérard,
notamment, subit avec zen et décontraction cet assaut tourbillonnant
et perpétuel. En stage et fin de carrière de la fonction publique
(entre autre dans les RH), il réalise enfin son rêve de vivre en
Polynésie, peaufinant jour après jour son projet d'installation. Il
apporte une aide précieuse et une douce humanité dans cet endroit
de rêve. Merci à toi, Gérard, pour avoir pris soin de ratisser le
sable soir et matin au pied de notre tente.
Sikki et Gérard à pieds d’œuvre
Cela
n'évitera pas une tragique chute de noix de coco sur notre tente,
lovée sous une rangée de cocotiers. Les armatures se casseront sous
le choc. Toute la fine équipe essayera de nous rafistoler notre
reste de maisonnée avec les bouts d'un tuyau d'arrosage. Celle-ci se
redressera cahin caha adoptant désormais une forme
poli-trapeozidale.
Piège à poissons
La
pension accueille deux fare rustiques au prix du luxe, entourés de
fleurs d'hibiscus, de Tiaré et de frangipaniers.
L'un
des bungalow accueille Laura et Adrien, un adorable couple parisien.
Après un mariage de rêve orchestré de main de maître, ils sont en
voyage de noces en Polynésie (Adrien acceptant d'abandonner
temporairement sa planche de surf). Un séjour un peu tronqué, nous
raconte Laura, car Adrien, s'apercevant au dernier moment que son
passeport n'était pas biométrique, a du refaire ce dernier
d'urgence, les obligeant à annuler par deux fois leur avion (Laura,
au bord de la crise de nerf, faisant retarder l'embarquement pour
voir arriver son prince, bredouille). La troisième tentative sera la
bonne.
Jérémy,
le dernier arrivé, est venu rendre visite à Béatrice, son ex-belle
mère. C'est son premier voyage et il tape fort, directement de
l'autre côté du globe. Sa famille est aux aguets des nouvelles de
son aventurier du bout du monde.
Nous
vivons ensemble dans une ambiance familiale, sauf pour les repas que
nous préparons nous-même, à base de merguez pendant une semaine,
dont l'odeur aura fait saliver le reste de la pension abonnée aux
poissons des mers du sud.
Pêche du jour
Les
beautés et dangers de la mer
Dès
le premier jour, Sikki, conduisant notre embarcation, aperçoit des
raies manta. Il nous ordonne de sauter à mer immédiatement. Ni une
ni deux, nous nous précipitons à l'eau sans maillot de bain. Le
courant est tellement fort que Sabine gesticule dans tous les sens
sans pouvoir avancer. Elle aura aussi les plus grande peine du monde
à remonter sur la barque. Mais, le spectacle des raies manta en vaut
la chandelle. De trois à quatre mètre d'envergure, celles-ci
semblent déployer leurs ailes pour un éblouissant ballet
sous-marin.
Néanmoins,
le lagon, si idyllique, n'est pas sans danger. Nous apprendrons, à
nos dépends, l'existence du dangereux poisson pierre, le nohu.
Sabine, en pleine discussion avec Laura, assise à quelque mètres du
rivage, ressent, soudain, une profonde décharge électrique dans la
main. Deux points rouges se dessinent nettement sur sa paume. « C'est
le poisson pierre !». Sabine parvient à extraire l'animal
hideux, qui prend la forme et les couleurs d'une pierre sablée. Ce
dernier est censé provoquer une piqûre mortelle, assimilable au
venin d'un cobra.
C'est la panique ! « Il faut un choc thermique »,
disent les uns. Sabine s'empresse de mettre la main dans le
congélateur, avant d'apprendre, après quelques minutes de froid
intense, que c'est avec l'eau brûlante (et non le froid glacial) que
l'on stoppe la propagation du venin.
Le poisson pierre après avoir été assommé par Sikki
Nous
nous rendons en urgence au dispensaire situé sur l'île principale.
La médecin, installée depuis peu après avoir pratiqué aux
urgences parisiennes, inspecte avec quiétude la blessure, peu grave
en rapport au référentiel des polynésiens (heureusement le
spécimen n'était qu'un bébé). Quelques antibiotiques et deux
jours plus tard, la main enflée dégonflera. Ouf sauvée ! Nous
ne quitterons désormais plus les chaussures de mer que nous ont
laissées généreusement Laura et Adrien.
Plage au bout du motu
Sur
l'île haute
Devenus
fervents adeptes de la messe dominicale (et oui, comme quoi, tout
arrive!), nous ne manquerions pour rien au monde l'office du dimanche
matin. Et, on nous le rend bien ! Nous sommes reçus en
véritables VIP. Assis d'office au premier rang, enguirlandés de
colliers de fleurs embaumantes, nous avons même droit à un
traducteur (l'homélie se fait en tahitien) et au mot d'accueil
chaleureux du pasteur. Très vite, nous sommes emportés par la
beauté des chants observant par-delà les vitraux les reflets bleus
du lagon.
Sabine de retour de la messe, les bras chargés de Tiaré Tahiti
La
mairie affiche des photos magnifiques du Maupiti d'autrefois, où le
mode de vie n'a pas tant changé. Le maire a réuni, aujourd'hui, ses
concitoyens pour appeler à la récolte de coquillages pour un
riche collectionneur chinois de passage.
Nous
grimpons en haut du pic rocheux qui domine les environs. Le chemin
est très abrupt, affublé de plusieurs cordes, pour gravir les
quelques mètres qui nous séparent du sommet. La vue est splendide !
Nous ne pourrons malheureusement pas continuer plus loin, les sentiers n'étant pas défrichés. Dommage que la Polynésie ne se soit pas tournée vers le tourisme vert, pourtant, plein de potentiel ! Les randonnées, ici, sont uniquement sous-marines pour le plus grand bonheur des plongeurs (ne remuons pas le couteau dans la plaie).
Dégradé infini de bleus
Nous ne pourrons malheureusement pas continuer plus loin, les sentiers n'étant pas défrichés. Dommage que la Polynésie ne se soit pas tournée vers le tourisme vert, pourtant, plein de potentiel ! Les randonnées, ici, sont uniquement sous-marines pour le plus grand bonheur des plongeurs (ne remuons pas le couteau dans la plaie).
Sabine à l'assaut des sommets
Notre
tour de l'île s'arrête devant une maison faite de corail. Le
facteur cheval n'est autre que le célèbre chanteur polynésien,
Akhi Firuu. Il nous ouvre grand les portes de sa demeure, construite
de ses propres mains, mélangeant ciment, sable et coquillages. D'une
gentillesse désarmante. il nous invite chez lui, où trône en
maîtresse des lieux, sa méharée, peinte en verte, où il a tourné
son clip « en compagnie de miss tahiti », nous
apprend-t-il avec fierté.
Héraldique tahitienne
Nous
avons droit, en live, avec un ukulélé de poche, à tous ses tubes, où
il jongle à merveille avec la musicalité du français et du
tahitien. Nous ne nous lassons pas d'écouter cette star locale, à
qui il ne reste que les souvenirs et sa dizaine de CD usée par le
temps, qu'il conserve comme un trésor.
Quand deux stars se rencontrent
Il
vit de pêche, de noix de coco (nous offrant chapeau et panier de
feuille de cocotier qu'il confectionne en un temps record de deux
minutes) et de chansons, qu'il compose le soir face à son feu de
bois. La poésie de l'île l'inspire. Nous repartons émus par cette
existence d'une si belle simplicité.
Plage abandonnée
Nous
retournerons sur l'île haute jusqu'à la plage de Teirea, à partir
de laquelle il est possible de traverser le lagon à pied pour
rejoindre un motu. L'eau est d'une limpidité lumineuse. Nous
marchons, ainsi, à fleur d'eau, égarés entre ciel et mer, au-delà
du temps et de l'espace.
Larguons les amarres ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire